Je vais reprendre points par points chacun de vos arguments.
RVRESIDENT wrote:
Sheikor wrote:En quoi un "droit de ne pas naître" serait-il inadmissible ?
C'est justement ce point que j'essaie de défendre. On a tout le droit de choisir de mourir, alors pourquoi ne pas de choisir de ne pas naître ? Si J'avais été dans cette situation, que j'étais l'enfant malade, j'aurai certainement supplié pour ne pas naître. Chose qui aurait pu être évitée si les médecins avaient fait leur travail.
Vous confondez deux choses: l'idée du droit de ne pas naître, et une réalité factuelle qui est celle de mort (que certains choisissent prématurément en se suicidant). Voyons pourquoi le raisonnement est faux.
Joignant votre réponse, à la question suivante posée par Kroki:
Kroki wrote:Et le bébé non-né est-il une personne morale pour possiblement avoir un droit ?
Sur l'idée (absurde) du droit de ne pas naître:
La première question à se poser est de savoir qui serait le titulaire de ce droit. Serait ce une personne? La réponse est ici négative, car le foetus n'est juridiquement pas une personne (ni physique, ni morale) en droit français. Or, un droit doit avoir pour titulaire une personne, donc accorder un droit à un foetus est donc juridiquement impossible.
Mais à supposer que vous vouliez "révolutionner" le droit français, et que vous admettiez que le foetus soit une personne, et qu'il puisse être titulaire d'un tel droit. Comment l'exercerait il? Lorsqu'il est dans le ventre de sa mère on lui demande son avis? Vous voyez bien qu'en ce sens, un tel droit est parfaitement absurde, et il reviendrait en réalité aux parents dudit foetus d'exercer ce droit au nom de leur enfant. Et là on se retrouve face à un énorme problème: ce droit de ne pas naître serait nécessairement subordonné au droit de la mère d'interrompre sa grossesse.
Prenons un exemple: supposez que le foetus risque de naître avec un grave handicap. Son père décide, en vertu d'exercer au nom de son futur enfant, le droit de celui-ci à ne pas naître: ainsi la mère, devrait en ce sens nécessairement avorter. Mais supposé encore, que la mère n'est aucune envie d'interrompre sa grossesse: on ne pourra en aucun lui forcer d'avorter, et à ce titre je vous rappelle l'article 16-1 du code civil, qui en ses alinéa 1 et 2 dispose que "Chacun a droit au respect de son corps. -Le corps humain est inviolable", et l'article 16-3 du code civil qui dispose que "Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. -
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir". Donc finalement le droit de ne pas naître de l'enfant, ne pourra pas être exercé, car il se heurtera aux droits de la mère.
Alors vous pourrez toujours me dire que vous souhaitez envisager ce droit de ne pas naître comme un droit de créance et rien d'autre. Mais là, qui en serait le débiteur? Vous me direz sans doute le médecin et le laboratoire dans l'affaire Perruche. Oui mais alors, dans une affaire où la mère parfaitement consciente que son enfant naîtra gravement handicapé, refuse d'interrompre sa grossesse, et donne naissance à un enfant très gravement handicapé. Celui-ci, aurait il dans ce cas là une action en responsabilité ouverte contre sa propre mère, du fait de sa naissance? Vous voyez bien que c'est juridiquement absurde, et pas seulement juridiquement d'ailleurs.
RVRESIDENT wrote:Mais une vie destinée à la souffrance en vaut selon moi pas la peine d'être vécue.
Ce que vous dites est une horreur, et pas seulement juridiquement. Vous êtes en train de dire que toutes les vies n'ont pas la même valeur. Peut être voulez vous expliquer ou quoi une vie n'aurait pas la même valeur qu'une autre?
RVRESIDENT wrote:On a tous le droit à une vie heureuse.
Dans l'absurdité juridique, vous atteignez là un niveau qu'il va être extrêmement difficile à concurrencer.
Le droit à la vie existe oui, mais le droit à une vie "heureuse" n'a jamais existé en lui même, et ne pourrait d'ailleurs pas exister.
Mais résonnons par l'absurde, et supposons qu'il existe. Comment le définirait t-on? Serait ce un droit de créance? Dans ce cas, qui serait le ou les débiteur(s)?
RVRESIDENT wrote:De plus, dans ton arrêt du 25 juin 1991, je l'ai aussi sous les yeux, mon prof nous en a parlé : l'existence de l'enfant qu'elle a conçu ne peut, à elle seule, constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable, même si la naissance est survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue de l'interruption de la grossesse ; que l'arrêt attaqué relève que l'enfant était parfaitement constitué et retient que Mlle X... ne prouvait pas que la naissance ait été pour elle la cause d'une souffrance morale
Or, ici, dans l'affaire Perruche, le demandeur agit au nom du préjudice de son enfant, pas de celui des parents. Et il me parait difficilement concevable que l'enfant ne souffre pas tant physiquement que moralement du fait de sa naissance.
L'arrêt concerne le préjudice qui serait dû à la naissance elle même. Peu importe qu'en l'espèce la mère est agi en son nom propre, et non en celui de son enfant. D'une part, parce qu'en ce qui concerne la mère, si c'est celle-ci avait eu un enfant né gravement handicapé elle aurait été indemnisé, ce qui était d'ailleurs le cas dans l'affaire Perruche (et qui n'est donc pas sujet à débat devant la Cour de cassation).
D'autre part, la cause des préjudices de l'enfant se trouve dans la naissance de celui-ci, autrement dit, cela signifierait que la naissance est un préjudice réparable. Ce qui n'est évidement pas le cas.
C'est d'ailleurs pour cela, que la Cour de cassation, notamment l'assemblée plénière dans son arrêt rendu le 17 novembre 2000, tente à tout prix par un jeu de formules habile, de faire croire (comme avait tenté de le faire la 1ère chambre civile dans son arrêt du 26 mars 1996), que le handicap ne résulte pas de la naissance, mais des fautes du médecin et du laboratoire. Mais nous savons parfaitement que c'est faux.
RVRESIDENT wrote:Le boulot du juriste, c'est d'innover. Pas de se cantonner sur les règles existantes. On stagnerait sinon. Et la Cour de Cassation l'a bien compris.
"Innover" certes, mais cela ne doit pas se faire sur des raisonnements absurdes, illogiques, et dénués de fondements juridiques.
Unas wrote:J'aurais juré que dans les institutions actuelles de la République c'était le Parlement (ou le peuple par référendum, bien sûr) qui avait pour rôle d' "innover" et de faire évoluer les lois. C'est ce qu'on appelle le pouvoir législatif... Le juriste, il a un pouvoir judiciaire; il n'est censé "innover" que lorsqu'il y a un vide juridique, non ?
Le Parlement avec l'inflation législative, a généralement prit la très mauvaise habitude de voter des loi obscures, et il revient aux juges de les interpréter.
Plus largement, le législateur vote des lois généralement assez large, à charge ensuite pour les juges de les appliquer à des cas concrets. Et là c'est le drame, car certaines lois en l'état sont inapplicables, et le juge est dès lors obligé de forger des normes jurisprudentielles sous le couvert de l'interprétation, soit pour compléter le texte, soit pour le rendre applicable.